lundi 25 février 2013

" Mes cheveux sont une part de moi-même "


Le témoignage de Valérie
" Mes cheveux sont une part de moi-même. Le matin, mon premier regard dans le miroir est pour eux.  Je ne peux pas me maquiller avant de les avoir lavés et peignés.  Quand je vais travailler, il faut qu’ils soient impeccables. Je suis huissière à l’Assemblée Nationale, j’harmonise ma coiffure avec l’uniforme que je porte. Dans l’hémicycle, pas  une mèche ne doit s’échapper de mon chignon strict, tiré bas sur la nuque. Le week-end, je me libère en les détachant. Quand mes cheveux respirent, je renoue avec ma féminité.. Ma couleur naturelle, c’est le blond mais après la naissance des enfants mes cheveux ont foncé. Depuis, je vais régulièrement les faire éclaircir chez le coiffeur pour retrouver ma chevelure insouciante d’avant.. Le blond c’est solaire, c’est synonyme de clarté, de vitalité, de jeunesse. Un jour, sur un coup de tête, pour changer de peau, je me suis faire teindre en brune : je me suis sentie pâle, maladive, en décalage total avec moi-même, dépourvue de charme. Les hommes ne me regardaient plus.
Toute ma vie, mes cheveux ont parlé pour moi.
Gamine, je les ai perdus quand j’ai appris brutalement le départ de mon père, infirmier militaire dans le Pacifique à Mururoa. C’était lui qui me démêlait les cheveux le soir avant d’aller me coucher. Il le faisait très doucement, mèche après mèche, pour ne pas me faire de mal. Je me souviens, je montais sur la table du salon pour me mettre à sa hauteur. Ce rituel de tendresse avant d’aller dormir était un talisman pour la nuit. La peur panique de ne jamais le revoir a été à l’origine de cette alopécie.
Sur ma photo de mariage, ma chevelure respire le bonheur, je me sens jolie, en harmonie avec leur coiffure très naturelle. Après la naissance de mes enfants, j’ai basculé dans la maternité, j’ai coupé mes cheveux, je n’avais plus le temps de m’occuper de moi, mes petits étaient ma priorité. Depuis mon divorce, je les laisse repousser. 
Pour qu’ils restent épais et brillants, je les entretiens en faisant des cures de levure de bière et de zinc. Je fabrique moi même des masques naturels à base d’huile d’olive et de citron. Ma mère et ma grand-mère avaient une vraie connaissance des plantes. On faisait beaucoup de choses par nous - même à la maison. La cuisine, les produits de beauté. Mes parents n’étaient pas riches, nous étions cinq enfants et pourtant ma mère allait chaque semaine se faire coiffer. Même malade ! Mon père l’accompagnait tous les vendredis chez le coiffeur, c’était son seul luxe. Elle ne s’achetait pas de robes chères, ne se maquillait pas, se parfumait très légèrement à l’eau de Cologne. Sa féminité discrète et naturelle, irradiait. Depuis qu’elle perd la mémoire, c’est moi qui la coiffe, je lui fais son brushing. Je vois à son sourire qu’elle est heureuse d’être bien coiffée.
La coupe énergétique au salon de coiffure d'Annie m’a libérée d’un chagrin que je n’avais pas pu exprimer. Je n’ai pas pleuré l'entrée de ma mère en maison de retraite médicalisée ni la mort de mon père. Ce chagrin d’adulte a réveillé celui de la petite fille qui apprenait le départ de son papa pour le Pacifique et craignait de ne plus jamais le revoir. La nuit qui a suivi la coupe, j’ai fait des cauchemars terribles et j’ai beaucoup pleuré les jours qui ont suivi l’expérience.
Le massage shiatsu du cuir chevelu, le travail sur les méridiens, la mémoire de mes cheveux, le dialogue avec la coiffeuse …tout m’a touchée, émue, libérée. Je me suis sentie écoutée, prise en compte. J’ai remis ma tête entre les mains d'Annie avec la même confiance que j’éprouvais enfant quand mon père démêlait mes cheveux longs. Quand on touche aux cheveux des personnes, on entre en lien intime avec elles et on prend le chemin de leur cœur "
Propos recueillis par Catherine Lalanne le 26 Décembre 2012