jeudi 17 septembre 2015

" La robe rouge "


Le témoignage d’Esperanza


"J’ai commencé à perdre mes cheveux à l’âge de quatre ans ; je les retrouvais le matin sur mon oreiller, laissant de grandes plaques douces et lisses sur mon crâne ; quand ils repoussaient d’un coté, ils tombaient de l’autre.
Ma mère était atterrée par cette perte. Le médecin du quartier évoqua la gale, mais les prélèvements pratiqués avec grande précaution pour ne pas me toucher, ne révélèrent aucun problème infectieux. Ce fut l'unique fois où je vis ma mère pleurer. Sans culture mais dotée d'une grande intelligence, elle réussit à me conduire à la meilleure consultation de dermatologie de Paris.
A l'époque, j'étais une enfant ballotée entre deux adultes qui se déchiraient. Mon père m’avait littéralement enlevée à ma mère et emmenée avec lui en Espagne pour la punir d’avoir rompu avec lui. Là bas ne sachant pas quoi faire de moi, il m’avait « placée » chez son frère dont l’épouse ne pouvait pas avoir d’enfants. Je servais à la fois d'objet de chantage entre mes parents et d’enfant de substitution pour mon oncle et ma tante.

L’enlèvement après l'école

Dans ma mémoire de petite fille la scène est extrêmement brutale : mon père vient me chercher à l’école maternelle et fait valoir le droit espagnol paternel auprès de la directrice sidérée. Puis il me ramène chez ma mère, lui annonce que je pars avec lui et qu'elle n'a aucun pouvoir de l'en empêcher. Ma mère m’a enfilé ma plus belle tenue, une petite robe rouge en laine, qui grattait un peu et que j'adorais. Ce fut mon unique bagage. Mon père m'a prise par la main et a refermé la porte.
Combien de temps a duré l’épisode de mon placement à Madrid ? Je pense que j’ai été déscolarisée plusieurs semaines, peut-être même plusieurs mois. Un jour, ma mère n'y tenant plus a déboulé chez mon oncle pour me récupérer mais l'histoire s'est terminée au commissariat : le droit était du côté de son mari et elle du repartir bredouille.  Séparée d'elle, j’ai commencé à dépérir et à refuser de manger. Un médecin a fini par comprendre ma souffrance et a convaincu mon père de me ramener chez moi.

Adieu mes cheveux !

De retour à Paris, mes cheveux ont commencé à tomber par plaques. Ma mère désespérée, s’employait à masquer mes zones de calvitie par des coiffures compliquées (un peu à la façon dont le président Giscard d’Estaing rabattait une longue mèche sur son crâne). Elle s'obstinait à me trainer chez des spécialistes. Un jour à l'hôpital Saint-Louis un dermatologue qui devait m'appliquer de la neige carbonique fumante sur la tête a eu pitié de mon calvaire ; je l’entends encore dire à ma mère « Fichez la paix à cet enfant ! »
A partir de là, mes cheveux n'ont pas  repoussé mais on m’a laissée tranquille.
Un jour le savant montage que s’ingéniait à créer ma mère pour masquer mes pelades a lâché en pleine cour de récréation; ce fut  l'horreur ! Convoquée par la directrice, ma mère dut fournir à l’école un certificat de non-contagion !

La petite fille écartelée

Progressivement et surtout à l’adolescence, les pelades se sont espacées. Personne n’a songé à me conduire chez le psychologue mais j’ai compris peu à peu le choix impossible de la petite fille que j'étais, écartelée entre son père et sa mère. Les enfants entendent tout, ils perçoivent les drames qui se jouent entre les adultes mais n'ont pas de mots pour exprimer leur désarroi. J’ai été un enjeu de pouvoir entre mes parents et mon corps a crié ma détresse. Toute mon attitude avec les enfants aujourd’hui est basée sur le respect qui leur est du et dont je pense avoir été privée. Le hasard toujours farceur, m'a fait épouser un marchand de jouets;  j’anime des ateliers avec les petits, peut-être pour préserver ce territoire de l’enfance dont j’ai été privée.

Couper les fils du passé

Aujourd’hui, à peu près guérie de ce traumatisme, je souhaite franchir une étape supplémentaire.  Alors que j'aborde la cinquantaine avec les cheveux longs, je voudrais adopter une coupe courte et légère qui exprime l'autonomie que j’ai conquise. Une façon de tourner définitivement la page de mon enfance volée. Un cycle se termine, un autre commence. Les enfants grandissent et commencent à poser des problèmes d’adolescents, les parents vieillissent… je voudrais me libérer de tous ces liens qui m’entravent,  conquérir une vraie liberté. Le rêve de couper mes cheveux participe de ce désir. Mais je n'ose pas franchir le pas. »



Propos recueillis par Catherine, le 31 mars 2015

jeudi 10 septembre 2015

"J'ai fait un songe prémonitoire"


Le témoignage de Frank

 "De 2009 à 2013, j’ai fait une série des rêves prémonitoires qui ont changé le cours de ma vie.
Le premier a ébranlé mon corps qui a été traversé par un mouvement semblable à la reptation d’un serpent. Cette vibration intense a touché mon être intime comme un événement capital dont l’ignorais le sens mais dont j’ai senti immédiatement l’importance. Deux jours plus tard, j’ai emprunté la route qui me conduisait à mon travail. La circulation était anormalement fluide. Devant moi un camion benne chargé de gravats a laissé échapper une énorme pierre qui a roulé jusqu’à ma voiture. J’ai du donner un coup de volant brutal pour ne pas la percuter. Je n’ai pas réalisé immédiatement que le zigzag qu’avait fait mon véhicule ressemblait étrangement à celui du serpent de mon rêve.
 
Au nom du père

Les rêves au volant ont continué à un rythme variable. 
Le dernier m’a marqué car il était inhabituel. Je circulais sur un itinéraire familier et pourtant j’étais perdu. Je montais sur une colline pour me repérer et je voyais en bas l'axe à deux voies je connaissais. Le lendemain matin, j’emprunte le même itinéraire pour aller chercher mon fils. Je suis pressé, je crains d’être en retard et je ne veux pas qu’il s’impatiente. Je mets mon clignotant et je double sans regarder dans mon rétroviseur. C’est l’accident. Un camion me percute de plein fouet, ma voiture fait des vrilles et je me retrouve en équilibre sur le terre plein central. Entier et sans une égratignure. Un miracle. Je coupe le contact, je suis très calme malgré les imprécations du camionneur. Une heure après, je fais le lien avec le rêve.  La même posture en surplomb et sans repères. Le même sentiment de déracinement et d’impuissance dans mon sommeil et dans la réalité. Je suis sidéré. Comment le conducteur prudent que je suis, 25 ans de permis sans une éraflure, a-t-il pu doubler sans regarder en arrière ? Quel refus de mon histoire passée, quelle hâte d’être un père à l’heure pour son fils a supprimé ce réflexe de sécurité, cette règle de prudence élémentaire ? 
Entre ces deux rêves très forts quatre ans se sont écoulés durant lesquels d’autres songes au volant de ma voiture ont peuplé mes nuits. Dans ces rêves, je suis perdu dans des parkings, des zones industrielles, le marché de Rungis. Je cherche mon père - qui est boucher- et avec lequel je ne m’entends pas depuis l’enfance. 

Les deuils appartiennent au passé

Revenons en 2013, les jours qui suivent mon accident, je suis perturbé par ma conduite imprudente qui ne me ressemble pas. Je tire le  Yi-king. Je jette une pièce de monnaie et parmi les soixante quatre combinaisons, je tombe sur l'hexagramme chinois qui me signifie en substance : fin du voyage, retour chez les parents. Je comprends qu’il est temps de guérir ma blessure d’enfance fondamentale et je pars les retrouver. Seul. Libéré par mon accident. Sans amertume par rapport à mon enfance et l’incompréhension qu’ils avaient du gamin que j’étais. Et là miracle, je rencontre à tour de rôle deux êtres transparents, aimants, enfin accessibles. Je leur parle à cœur ouvert. Ils m’entendent. Je me sens enfin accepté, reconnu. La chaine transgénérationnelle violente qui ébranle ma famille depuis des générations est rompue par cette visite.  Morts violentes, guerres, suicides, vies volées par les deuils appartiennent au passé. Je suis vivant et désireux de faire la paix avec mon histoire : je ne veux pas transmettre ce fardeau à mes enfants.
 
Du foin dans mes cheveux
 
Bizarrement alors que j'ai chassé le vers du fruit, je me sens triste, désœuvré. Mon corps est perclus de douleurs. J’entends parler des coupes énergétiques d'Annie qui libèrent la mémoire ancienne des cheveux. J’offre une coupe en cadeau d’anniversaire à mon épouse qui revient transformée. Je m’y rends à mon tour. Les peurs archaïques qui étaient remontées depuis quelques mois cessent immédiatement après la coupe. Elles ne sont jamais revenues. Il m’a fallu attendre la deuxième coupe pour que la tristesse s’en aille aussi. Une émotion est partie avec chaque coupe. Et mes cheveux sont devenus très vigoureux. Annie m’a dit qu’au début des coupes, ma tignasse était sèche comme du foin. Le foin, c’est un souvenir d’enfance heureux. J’accompagnais ma grand-mère et mes oncles faire les foins, ça sentait bon, j’étais  heureux, en sécurité à leurs côtés. Je voulais arrêter le temps. En analysant l’implantation de mes cheveux, Annie a repéré un endroit de ma tête où rien ne poussait. Nous avons recherché ce point dans un livre de médecine chinoise. Le diagnostic correspondait à mon histoire. Ma blessure fondamentale était inscrite sur le réseau énergétique parcourant mon crâne. Depuis, je continue ce travail de libération de la mémoire cellulaire. Les coupes  jalonnent ma renaissance psychique et spirituelle​"

Propos recueillis par Catherine, le 12 mars 2015